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Marcher au rythme des familles endeuillées

29 octobre 2025
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Marcher au rythme des familles endeuillées : entretien avec Robin Monod, directeur des Pompes Funèbres Générales de Lausanne

Vous êtes nombreux à vous rendre au cimetière à l’occasion de la Commémoration des fidèles défunts, pour honorer la mémoire de vos proches disparus. C’est souvent l’occasion de prier pour eux, de raviver les souvenirs partagés, qu’ils aient été heureux ou marqués par l’épreuve. Pourtant, bien que la mort soit une réalité inéluctable, il reste difficile d’en parler ouvertement. Elle touche en profondeur ce qui constitue notre identité : croyances, peurs, espoirs, liens aux autres et à nous-mêmes.

Pour éclairer certains aspects de cette réalité sensible, nous avons rencontré Monsieur Robin Monod – directeur des Pompes Funèbres Générales de Lausanne depuis cinq ans et assistant funéraire – à l’issue du colloque matinal quotidien se déroulant à 8 heures, moment où l’équipe fait le point notamment sur les décès et les cérémonies du jour.

Cette maison funéraire, fondée en 1925 et reprise en 2002 par Monsieur Edmond Pittet, s’occupe aujourd’hui de près de la moitié des funérailles du canton de Vaud, accompagnant de ce fait autant de familles marquées par le deuil. Ses locaux sont situés à Rue du Maupas 6 à Lausanne. Ils comprennent entre autres des bureaux, une chapelle, une salle de soins, des espaces de réunion, aménagements pensés en détails pour accueillir les familles endeuillées avec respect et délicatesse. Bien que la maison s’étende sur tout le canton de Vaud, elle jouit de trois lieux singuliers, la Chapelle St-Roch à Lausanne, la Chapelle de Beausobre à Morges et la Chapelle Arcangier à Vevey, toutes trois adaptées aux besoins des familles.

Monsieur Monod, comment les Pompes Funèbres Générales accompagnent-elles les endeuillés ?

Robin Monod : « Lorsqu’un décès survient, chacun perd ses repères. Notre mission est d’abord d’écouter, de proposer un accompagnement adapté aux besoins et à la sensibilité des familles, en prenant en charge les aspects concrets et logistiques, pour leur permettre de vivre pleinement le deuil. Il y a les aspects administratifs auxquels se mêlent les aspects plus techniques et religieux ou spirituels bien sûr, si la famille en fait la demande. Nous privilégions le « savoir du cœur » au « savoir-faire » dans le sens où c’est nous qui demandons aux familles endeuillées : « Qu’est-ce que nous pouvons faire pour vous ? » Nous prenons le temps nécessaire pour écouter les familles, leurs récits de vie.

L’accompagnement repose sur cinq axes essentiels : la personne défunte, sur laquelle l’attention reste centrée, il est toujours question d’un parent, d’un proche, jamais d’un corps ; le confort de celui qui n’est plus comme de celui des proches durant cette période de vulnérabilité ; le temps nécessaire à chacun, propre à chaque histoire ; le « savoir du cœur » que seules les familles possèdent et savent exprimer ; et finalement les deuils antérieurs, parfois ravivés, auxquels il convient aussi de faire mémoire. C’est à travers ces cinq axes que nos lieux ainsi que notre savoir-faire, ont été façonnés et adaptés au fil du temps afin de répondre pleinement aux attentes des familles. Dans nos espaces, tout est pensé en faveur de la dignité et la douceur de personnes accueillies : une chapelle lumineuse, une croix stylisée aux bras ouverts, des cryptes tempérées et tapissées de moquette, un columbarium aux teintes douces... Nous souhaitons que les familles se sentent libres d’accompagner leur proche dans un cadre respectueux et apaisant. »

Une société qui efface la mort

« Autrefois, les veillées funéraires avaient lieu à domicile. Le village entier se mobilisait, et les prêtres connaissaient personnellement les personnes défuntes. Aujourd’hui, nous vivons dans une société individualisée et urbanisée où la mort s’efface. Cela induit un transfert de l’organisation des obsèques, auparavant localisée dans un cercle restreint, à des entités professionnelles comme les pompes funèbres. C’est pour que les familles restent en posture d’autorité que nous nous efforçons de les placer au centre du processus.

Notre métier est finalement relativement simple mais il cristallise des attentes parfois inconscientes de la part des familles qui prennent conscience de l’aspect définitif du décès d’une personne. Un deuil peut être un point de bascule entre l’instant conscient et inconscient de ces attentes et qui, de ce fait, soulèvent de grandes questions : quelle forme donner aux funérailles ? Quelle est ma propre vision de la mort ? Quelle place pour les rites, la spiritualité ? Le but n’est pas que la mort ne fasse plus peur mais de pouvoir discuter du fait qu’elle existe. »

Quels sont les liens entre les Pompes Funèbres Générales et les instances catholiques et comment accompagner les questions existentielles que les deuils soulèvent ?

« Lorsqu’un décès survient, nous contactons un prêtre ou un autre officiant religieux selon la confession de la personne défunte — imam, rabbin, pasteur ou officiant laïc. Aujourd’hui, 40 % des cérémonies sont laïques, 35 % religieuses, et 25 % des services funéraires se font sans cérémonie du tout. Ces derniers sont par ailleurs en augmentation. Cela induit un besoin de nouveaux repères, souvent flous, mêlant éléments anciens et demandes nouvelles. Ainsi, certaines familles veulent une cérémonie à l’église, mais sans prêtre ni organiste, ou disent : « Mon père souhaitait une messe avec eucharistie, mais moi je préfère une cérémonie à l’église sans liturgie. »

Cela place les prêtres ou les diacres dans une position délicate : devoir célébrer, accompagner et parfois même instruire sur les éléments liturgiques, face à des familles éloignées de la pratique religieuse, mais encore marquées par ses symboles. Le prêtre devient alors médiateur, parfois pacificateur, capable de désamorcer des conflits familiaux, de trouver les mots justes même face à des décès violents, ou des situations complexes comme le recours à Exit. Je me souviens d’une anecdote parlante par rapport à ce sujet. Lors d’un enterrement ayant eu lieu dans un contexte difficile, un prêtre a dit : « On n’est pas devant la mort, on est devant le refus de vivre. Ce n’est pas à nous de juger, c’est là-haut que ça se passe. » Il a su en deux phrases ouvrir un espace de réconciliation. »

En 2025, quel est le pourcentage approximatif de crémations par rapport aux inhumations dans le canton de Vaud ?

« Aujourd’hui, dans le canton de Vaud, près de 90 % des personnes optent pour la crémation plutôt que pour l’inhumation. Parmi ces 90 %, environ 50% choisit de déposer les cendres dans un jardin du souvenir, 10 % dans une tombe cinéraire existante, 10 % dans une nouvelle tombe cinéraire, tandis que 30 % préfèrent une dispersion en pleine nature. Ces chiffres témoignent d’une tendance marquée vers la dématérialisation du corps et d’un changement profond dans notre rapport à la mort.

Fait intéressant, plus on descend vers le sud de l’Europe – par exemple dans certaines régions d’Italie – plus ce taux de crémation diminue. Ce phénomène pourrait s’expliquer par des traditions religieuses plus enracinées et par une approche différente de la mort et du deuil. Depuis le Concile Vatican II, l’Eglise catholique romaine a cessé de s’opposer à la crémation, même si elle ne la promeut pas explicitement. Cette ouverture a sans doute facilité l’essor de cette pratique dans les pays de culture catholique.

En tant que professionnel du funéraire, j’observe que la crémation continuera vraisemblablement de croître dans les années à venir. Certaines demandes de prévoyances funéraires révèlent une préférence de plus en plus marquée pour des rituels sobres, parfois dépouillés, où le corps tend à s’invisibiliser. Cette dématérialisation s’accompagne d’un recul visible de la fréquentation des cimetières, qui se dépeuplent peu à peu.

Cela m’inquiète quelque peu car malgré l’invisibilisation de la mort et l’effacement du corps, le besoin de mémoire, de lien, de repères demeure profondément ancré. Nombreuses sont les familles à nous faire remarquer, par l’affection qu’elles portent à une urne, que les cendres c’est la personne mais sous une autre forme. Or, ces besoins s’expriment souvent à travers une sépulture, un lieu, aussi modeste soit-il, où l’on peut venir honorer son proche disparu. Dans nos sociétés de plus en plus laïques, le cercueil dérange, la matérialité trouble, et pourtant, c’est bien pour les vivants que ces rites existent, pour les aider à traverser l’épreuve du deuil, à poser des mots sur la perte.

Je m’interroge sur la manière dont la société saura répondre à ces besoins fondamentaux à l’avenir. Ce qui est certain, c’est que les pompes funèbres, tout comme les prêtres et officiants religieux, continueront de jouer un rôle essentiel : celui d’être à l’écoute des familles, de les aider à formuler leurs attentes, même parfois confuses ou contradictoires, et de leur proposer un accompagnement humain et spirituel dans ces moments de fragilité, où nos peurs se révèlent et notre vulnérabilité s’expose. »

  • En plus de leurs services funéraires liés aux obsèques et à la prévoyance, les Pompes Funèbres Générales proposent une formation sur la thématique de la survenue d’un décès. Si vous souhaitez en savoir en plus, n’hésitez pas à consulter leur site internet en cliquant sur ce lien (rubrique « Formation »)

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